L’église du Breuil

Scène pastorale sur l'avenue du château de Canon, la peinture impressionniste

Huile sur toile, 46,5 x 38,5 cm, 1897, collection particulière

L’église Saint-Pierre du Breuil, construite en pierre de Caen, a conservé sa nef et sa tour carrée de croisée du XIIe siècle. Son dôme à huit pans, dit « à l’impériale », est surmonté d’un clocheton à couverture identique. Cette forme semble peu courante dans la région. 

Jules-Louis RAME n’a pas choisi de représenter la façade méridionale, au beau porche du XVe siècle et à la tourelle d’escalier hors-œuvre, mais la façade septentrionale aux baies étroites sur laquelle une chapelle, cachée par les feuilles du pommier, est la seule adjonction. Comme l’église est curieusement orientée nord-ouest / sud-est, il semble avoir planté son chevalet dans le verger en fin d’après-midi. 

Pour l’édifice et le mur du cimetière adjacent, des verticales, des obliques et des horizontales sont tracées par l’amateur d’architecture. Tout est sombre sans être froid : le violet, rehaussé de petites touches orangées, bleues et parme s’étend dans le verger par les ombres, les pommiers et une silhouette féminine qui fait écho à l’arbre du premier plan, dont l’ombre nous engage à entrer dans le verger. Là tout diffère :  les lignes ne sont plus droites, la lumière fait chanter des couleurs chaudes apposées en touches fragmentées, elle les fait vibrer et les détails sont cachés par ces multiples « virgules » ; nous assistons à la dissolution des formes. Que fait la paysanne ? Elle semble nourrir des poules que nous ne distinguons pas au milieu des herbes.  

« Sa touche est très proches des Impressionnistes dans ce tableau » Catherine BOUTON, extrait d’un mémoire sur RAME soutenu en 1997 à l’université de Paris-Sorbonne

Le travail exécuté sur le motif semble un instantané trouvé par hasard (le fond préparatoire est clair). Les couleurs vives sont utilisées comme elles sortent du tube (l’artiste, qui connaît la théorie des couleurs, sait les faire chanter en les juxtaposant). La pâte, épaisse au premier plan pour rendre « l’impression » que l’artiste ressent, s’amenuise peu à peu pour devenir discrète dans le ciel crémeux réchauffé par d’imperceptibles touches de nuages orangés.

Béatrice FIX, guide-conférencier